perhaps they'll find you in the river in a month or two

« On devrait toujours être légèrement improbable. »
Oscar Wilde

C'est très improblablement que je me suis retrouvée allongée, nue, sur un trottoir de Shaftesbury Avenue. Je dormais surement, quand une grosse passante, surement une americaine, m'a marchée dessus, et ainsi réveillée. Son ventre devait être si gros qu'il lui cachait le sol, et elle a mis un bon moment à réaliser que ce n'était pas une gigantesque crotte de chien qui se trouvait sous son pied, mais bien moi, Muddle Evengrove. Un peu ahurie, je me suis levée, et ai engueulé cette pauvre femme, comme jamais elle ne l'avait été, je pense, à moins qu'elle ai toujours eu des problèmes de poids et que ses parents l'aient martyrisée, à cause du dit problème. "Vous êtes bien grosse, Madame, mais ca ne vous empêche pas de faire attention où vous marchez ! Je vous prescrirais bien une diététicienne, mais je ne suis pas médecin et comme vous le voyez, je n'ai pas votre problème de surpoids ! Enfin, je vous prierai de bien vouloir me laisser le passage car les gros américains comme vous n'ont pas leur place dans le pays le plus beau et le plus raffiné de ce bas monde..." J'aurais bien disserté plus longtemps, mais la grosse dame m'a coupée dans mon élan : "Je suis grosse, mais vous, vous êtes nue."
Et elle est partie, me laissant seule, nue et indignée au milieu de Soho. Pour ainsi dire, je n'étais pas complètement nue, car j'avais toujours mon sac à main, et en parfait état. Ouf. La chose qui m'était la plus chère au monde était toujours en vie, et j'en ai remercié dieu l'espace d'un instant. Avant de l'ouvrir et de voir que mon porte-monnaie, mon maquillage et mon téléphone avaient été remplacés par un service à thé pseudo-chinois, fabriqué au bangladesh, brisé en mille morceaux. Et je n'ai pas trop de mal avec la nudité publique, alors rester ainsi perplexe devant de la porcelaine en plastique ne m'a pas dérangé le moins du monde. Cependant, à ce moment là, quelqu'un de ma connaissance, à qui appartenait ce service, devait pleurer sa grand mère d'avoir égaré cette merveille de la contrefaçon. Et j'aurais bien pleuré pour lui.

« J'ai vu ton ex, tu sais la sotte. »

Après 15 minutes de marche, j'étais rentrée chez moi. A l'entrée de mon immeuble pourri jusqu'aux fondations, et pour la première fois, la gardienne ne m'a pas, ou presque, adressé la parole. Cette pauvre vieille fille a dû être choquée par ma tenue vestimentaire, et c'est dire si elle est prude. Cependant, je suis sure qu'elle donnerait n'importe quoi pour une nuit dans le lit de mon ami Jolan. Aussi, j'ai eu la sottise de la lui promettre. Et Jolan n'est pas assez en rute pour coucher avec la première vieille dame aigrie que je lui présente. Il me préfère moi. Il ferait tout pour mes beaux yeux, mais c'est encore autre chose. Ou pas.
J'ai monté les quatre étages qui me séparaient alors de mon appartement, croisé mes huit ou dix voisins du dessous, qui, disons le sans vantardise, ont bien profité de ma nudité. Mais là encore, ce n'était pas la première fois qu'ils me voyaient nue, car il y a bien quelques soirs non arrosés où j'oublie tout simplement de m'habiller, et où le sel, le sucre, ou la farine manquent. Simple hasard, je crois.
Sauf que une fois arrivée sur mon palier, j'ai trouvé Jolan nu, allongé par terre. Il commattait, les yeux rivés au plafond, et ne devait pas être plus avancé sur le pourquoi de la situation. La porte de mon appartement était ouverte, et Jolan avait la clé posée sur son torse. Alors ou nous avions beaucoup bu, ou alors un ex fou était venu me cambrioler, pendant que je passais une soirée torride. Il se serait trouvé face à moi et mon amant, et alors, sa rage aurait redoublé, d'où mon réveil mouvementé sur Shaftesbury Avenue. Enfin, j'ai marché sur Jolan, qui était pile sur mon passage, et suis entrée dans mon appartement. Rien n'avait bougé, sauf le canapé, qui avait été volé. Genre, disparu, envolé, mon canapé chéri, ceci ajouté à mon porte-monnaie et à mon téléphone, qui ne se trouvaient plus dans mon sac à main. Je me suis mise à hurler, j'ai couru vers Jolan, me suis accroupie sur lui avant de le secouer. "OU EST MON CANAPE, IMBECILE ?! JE TE PENDS PAR LES PIEDS SI JE DECOUVRE QUE C'EST TOI QUI ME L'A PRIS."
Il ne réagit qu'à peine, se leva légèrement, sa main sur son front. Moi, je suis trop folle pour comprendre que quelqu'un qui se tient la tête a la migraine, alors j'ai continué de le secouer et de l'engueuler pendant bien cinq minutes, jusqu'à ce qu'il ai repris connaissance.
"Tu te souviens pas ? On l'a vendu hier soir, à un mec qui disait être le dernier roi d'écosse."
"ET ON L'A CRU ..?"

« Tu ne sais que rater ta vie. »

D'après Jolan, ce roi d'écosse avait l'air vrai, et nous lui avions donné mon merveilleux canapé pour trois fois rien. Apparemment, mon cher ami se rappelait un peu mieux que moi de notre soirée d'hier. Et allongés nus dans le salon, à l'ancien emplacement de mon canapé adoré, il a pu me dire vaguement ce dont il se souvenait, sauf qu'il m'ennuie vite, alors je n'ao rien écouté. Entre temps, j'avais retrouvé mon portable, oublié dans mon tirroir à culottes, et pendant qu'il divaguait, je jouais à une sorte de casse brique où mon score ne dépassait pas dix ridicules petits points. Il m'emmerdait, au bout d'un moment, alors je l'ai embrassé. Avant de le foutre dehors. Nu, toujours.
Et d'ailleurs, je bossais ce jour là. Parce que j'ai un job passionnant et j'y vais toujours avec entrain. Mais je me suis habillée, quand même.